Le 26 février 2025, la Commission européenne publiait ses propositions de réforme : simplification de la CSRD, révision de la CSDDD, allègement de la Taxonomie. Première étape d’un processus qui devrait s’étendre jusqu’à la fin de l’année 2025.
A date du 02/10/2025, cet article vous éclaire :
- Où on en est : les grandes orientations sont posées, mais les détails restent à définir. La Commission, le Parlement européen et le Conseil vont maintenant examiner, amender, négocier ces propositions. Les versions finales ne seront probablement adoptées qu’en 2026.
- Où on va et comment s’y préparer : vers une réglementation durabilité européenne allégée, mais avec quels contours précis ? Quelles entreprises resteront finalement concernées ? Quels délais d’application ? Quelles tendances se dessinent ? Comment adapter dès à présent votre stratégie ESG en fonction des évolutions probables ?
Nos experts vous éclairent dans cet article.
Bonne lecture !
1) Qu’est-ce que le projet de directive Omnibus CSRD
A – Avant de rentrer dans le vif du sujet, qu’est-ce qu’une directive Omnibus ?
Dans le cadre de la législation européenne, il est question de directive « Omnibus » quand une initiative législative regroupe plusieurs modifications, adaptations et révisions de textes existants sous une unique proposition.
Ce type de loi vient répondre à des enjeux spécifiques, par exemple, le besoin de simplifier un texte dense pour soulager les contributeurs d’un point de vue administratif. (Exemple qui vous sera très familier à l’issu de cet article !)
Autre nuance à bien saisir, il existe 2 types de législation Omnibus au niveau de l’Union Européenne :
- Les règlements Omnibus : proposés par la Commission Européenne, ils doivent être adoptés par le Conseil Européen (et parfois le Parlement également). Ils s’appliquent directement dans le droit des pays membres de l’UE SANS transposition de ces derniers.
- Les directives Omnibus : elles sont le plus souvent à l’initiative de la Commission Européenne, mais à l’inverse des règlements, doivent être adoptées par le processus législatif Européen du « trilogue » : le Conseil, le Parlement et la Commission. Puis une fois adoptées et votées, transposées par les Etats Membres de l’UE.
En résumé, quand il est question d’une directive, le processus de mise en œuvre peut-être relativement long, car le trilogue doit tomber d’accord sur le contenu des modifications.
Fin du cours juridique, passons désormais au contenu des directives Omnibus CSRD !
B – Pourquoi un projet de directives Omnibus CSRD ?
Depuis sa proposition par la Commission européenne, on entend beaucoup parler de « l’Omnibus CSRD ». Il s’agit cependant d’un abus de langage.
Le paquet législatif Omnibus, présenté le 26 février par la Commission, vise à simplifier et alléger les obligations de reporting en matière de durabilité pour les entreprises européennes. La directive CSRD est donc concernée, mais pas seulement !
La CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) et le Règlement Taxonomie le sont également.
Ok, très clair, mais ça ne répond pas à la question qui nous intéresse le plus : pourquoi une telle volonté de simplification ? Cette simplification pourrait-elle nuire à la compétitivité des entreprises, et davantage, à la pérennité de leur activité ?
Les avis sont partagés :
- Côté officiel : le projet de directive omnibus entend créer une meilleure cohérence entre les différentes réglementations, tout en réduisant le poids administratif pour les entreprises. Il s’inscrit dans la continuité du rapport Draghi, qui préconisait de simplifier les règles sociales et environnementales européennes afin de renforcer la compétitivité.
- Côté entreprises / écosystème durabilité : de nombreux acteurs de la transition durable et de la protection de l’environnement redoutent que cette simplification se traduise par un affaiblissement des normes environnementales adoptées dans le cadre du Green Deal, et qu’elle ralentisse ainsi la transformation durable des entreprises.
C – Omnibus CSRD : les modifications proposées
Intéressons-nous désormais de plus près au contenu des modifications proposées par la Commission le 26 février 2025, pour la directive CSRD (star de cet article !) et les autres textes réglementaires :
1 – La CSRD
- Révision des seuils d’application : Retrait d’environ 80 % des entreprises du champ d’application. Le seuil d’éligibilité passerait de 250 à 1 000 salariés.Pour rappel : la majorité de ces entreprises appartenaient à la « 2ème vague » de la CSRD et devaient initialement publier leur premier reporting de durabilité en 2026 (sur l’exercice 2025).
- Report du calendrier : Décalage de deux ans pour les vagues 2 et 3, impliquant une publication de leur 1er rapport de durabilité en 2028 et 2029 (au lieu de 2026 et 2027). Cependant, comme expliqué plus haut, avec les nouveaux seuils, certaines entreprises pourraient sortir totalement du champ d’application.À ce jour, c’est la seule mesure officiellement actée, via la proposition Stop the Clock du 16 avril 2025 et transposée en France par la loi DDADUE5 . (article publié le 02.10.2025).
- Révision des ESRS (par l’EFRAG) : Les ESRS constituent le socle normatif de la CSRD. L’EFRAG est chargé de les revoir en profondeur afin de réduire le volume d’informations à reporter, tout en maintenant la cohérence et la pertinence du cadre.L’objectif annoncé est de passer de près de 1 000 points de données obligatoires à environ la moitié, en identifiant ce qui est véritablement essentiel pour évaluer la performance de durabilité d’une entreprise.Révision qui vise à rendre le reporting plus proportionné aux capacités des entreprises, sans en affaiblir la substance.
- Réduction du périmètre de la “chaîne de valeur” : La Commission souhaite limiter la collecte de données ESG aux activités directes de l’entreprise, excluant ainsi les informations sur les fournisseurs et les partenaires tiers.
- Abandon des normes sectorielles : La Commission propose d’abandonner les normes sectorielles spécifiques, telles que celles relatives aux secteurs de l’énergie, des transports ou de l’agriculture.Cette décision vise à simplifier le reporting en réduisant la complexité des exigences, bien que cela puisse entraîner une perte de granularité dans certaines industries.
L’avis de nos experts
La révision des seuils nous interroge particulièrement : alors que toutes les ETI ont un intérêt stratégique à structurer leur reporting de durabilité (maîtrise des risques, innovation, transparence vis-à-vis des investisseurs, attentes des clients et fournisseurs), le risque est que certaines se retrouvent totalement écartées de cette dynamique.
L’enjeu de la réforme devrait être celui exprimé en 1er lieu : bâtir un cadre plus proportionné et pragmatique, adapté aux ressources des entreprises, sans compromettre l’ambition initiale de la CSRD. Il devrait donc davantage être question d’une remise en question du fond que du périmètre d’application.
Et c’est dans cette logique que la Commission a adopté le 30 juillet une recommandation encourageant les entreprises de moins de 1 000 salariés à recourir, sur une base volontaire, au référentiel VSME pour leur reporting.
Un signal positif, mas attention, le référentiel VSME a été pensé à la base pour les ressources et besoins des PME, pas ceux des ETI… alors constitue-t-il vraiment un cadre de reporting ESG adapté à leurs enjeux ?
2 – Les autres modifications
- Révision des exigences liées à la taxonomie : Le 4 juillet 2025, la Commission Européenne a publié un acte délégué visant à simplifier également les obligations de reporting liées à la Taxonomie Verte, qui propose notamment : un alignement avec les ESRS pour éviter les doublons, une rationalisation des KPI afin de réduire la complexité (Green Asset Ratio, BTAR…), l’introduction de seuils de matérialité (les entreprises ne devront plus publier des informations sur leurs activités représentant moins de 10 % de leur chiffre d’affaires, CapEx ou OpEx.).
- Révision de la directive sur la diligence raisonnable (aka CS3D / CSDDD) : Beaucoup de propositions d’ajustement pour la directive sur la diligence raisonnable, dans la continuité des suggestions d’allégement relatives à la directive CSRD, dont : le report de l’application à un an pour la 1ère phase (juillet 2028), la limitation de la portée de l’évaluation aux fournisseurs directs de rang 1, une limitation des infos pouvant être demandées aux PME à celle du référentiel normatif volontaire VSME…
2) Omnibus CSRD : quelles sont les échéances ?
Vous l’avez compris, la Commission Européenne n’est pas seule juge, et doit pour la plupart de ses propositions s’entendre avec les parlementaires et le Conseil.
Point sur les principales avancées et le calendrier à venir pour la simplification des ESRS et la révision de la directive CSRD :
A – Révision des ESRS
La date limite pour la remise de l’avis technique officiel de l’EFRAG était initialement fixée au 31 octobre 2025, mais elle a été prolongée jusqu’à fin novembre 2025.
Une fois cet avis technique transmis, la Commission devra adopter l’acte délégué révisant les ESRS le plus rapidement possible, au plus tard six mois après l’entrée en vigueur des propositions Omnibus soit en 2026.
A ce jour (02.10.2025), le calendrier global reste donc encore susceptible d’être ajusté si le processus législatif des propositions Omnibus subit des modifications.
Calendrier de travail EFRAG :
- Avril 2025 : Soumission du plan de travail et de la timeline à la Commission.
- Avril – mi mai 2025 : Définition des leviers de simplification exploitables.
- Mai – juillet 2025 : Rédaction et approbation des Exposure Drafts (projets de révision des ESRS).
- Fin juillet – fin septembre 2025 : Consultation publique de 60 jours sur les projets révisés.
- Août – septembre 2025 : Analyse des retours et organisation d’ateliers / événements de consultation.
- Fin novembre 2025 : Remise finale du technical advice à la Commission.
- Acte délégué courant 2026 : les ESRS simplifiés ne sont donc PAS applicables pour les exercices 2025
B – Révision des seuils
Le Conseil a publié sa position en mai-juin, mais c’est les jalons de la fin de l’année 2025 qui seront décisifs :
- Octobre 2025 : Vote du Parlement Européen, qui permettra de confirmer la position finale des parlementaires (pas forcément tous alignés) sur les seuils
- Fin 2025, début 2026 : Le trilogue tant attendu pour négocier le texte final (Parlement, Conseil et Commission), l’étape décisive avant la promulgation officielle
3) Quelles sont les entreprises impactées ?
Toutes les entreprises sont impactées, la question est plutôt comment.
Pour mieux comprendre, replongeons-nous dans le calendrier initial de la directive CSRD, dans sa transposition française :
Avec le projet de simplification des ESRS, mais surtout de révision des seuils, on se retrouve avec un calendrier beaucoup plus morcelé :
4) Omnibus CSRD : Ce que vous pouvez faire dès à présent pour votre reporting ESG
Pas de recette miracle ! Comme pour beaucoup d’autres choses, la marche à suivre va dépendre de 3 paramètres propres à votre entreprise :
A – Votre niveau de maturité ESG
Depuis l’entrée en vigueur de la CSRD en 2024, toutes les entreprises n’ont pas avancé au même rythme.
- Certaines disposaient déjà d’une expérience solide en reporting extra-financier, via la DPEF (ex-NFRD), ou bien suivaient des indicateurs ESG dans le cadre d’une politique RSE (achats responsables, plan climat, diversité, etc.) ou d’une labellisation (ex. B Corp).
- D’autres, à l’inverse, n’avaient encore jamais mis en place de reporting ESG structuré, même si elles menaient déjà des actions RSE isolées.
Avec l’Omnibus CSRD, le schéma se répète sur ce point : chaque entreprise avance selon son propre degré de maturité. Certaines ont déjà publié leur premier rapport de durabilité, tandis que d’autres en sont tout juste à la finalisation de leur analyse de double matérialité.
Cas 1 – Vous avez déjà publié un premier rapport de durabilité (2025) (etp vague 1)
- Si votre entreprise compte +1 000 salariés, vous restez tenus à une 2ᵉ publication en 2027 (sur l’exercice 2026).
Ce qui change : vos ESRS devront être revus à la lumière des simplifications Omnibus.
Nos conseils :
- travaillez pour ajuster vos priorités,
- capitalisez sur vos IROs (Impacts, Risques, Opportunités) déjà identifiés,
- concentrez-vous sur les indicateurs clés les plus pertinents pour votre activité,
- ne négligez pas l’ESRS E1 (changement climatique), qui restera central car il contient le plus grand volume de données quantitatives.
- Si vous avez -1 000 salariés, vous pourriez sortir du champ d’application.
Dans ce cas, nous vous conseillons de recentrer votre DMA (double matérialité) sur les enjeux vraiment stratégiques pour vous et vos parties prenantes.
Vous pourrez ainsi continuer à publier un rapport plus concis et volontaire, pour conserver de la crédibilité auprès des investisseurs et clients.
Cas 2 – Vous avez déjà finalisé une analyse de double matérialité (DMA)
- Si vous êtes une ETI de +1 000 salariés, vous devriez rester concernés par une entrée en vigueur en 2028.
Le temps gagné est une opportunité : avancez à votre rythme, consolidez vos méthodes (cotation des IRO pour chaque enjeu matériel identifié par votre DMA, analyse d’écarts).
La CSRD est d’abord un outil de pilotage stratégique, au-delà de la simple conformité réglementaire. Profitez-en !
- Si vous êtes une ETI de -1 000 salariés, vous pouvez capitaliser sur vos travaux DMA, mais en basculant vers un référentiel plus léger que les ESRS, comme le référentiel Midcap porté par WAE.
Bonne nouvelle : ce standard est une version allégée de la version originale des ESRS et a été pensé pour s’adapter aux ressources et enjeux commun des ETI comme la vôtre !
Cas 3 – Vous n’avez pas encore intégré la CSRD / pas de reporting ESG
Démarrez avec le VSME, conçue à l’origine pour les PME qui souhaiteraient volontairement construire leur processus de reporting de durabilité, en se basant sur un référentiel adapté à leurs ressources (bien moins dense que les +1 000 points de données des ESRS ;))
Un référentiel volontaire par essence, qui n’implique donc pas la réalisation d’une double matérialité et comprend les indicateurs de bases pour comprendre ses indicateurs ESG.
Attention : la double matérialité reste un principe central de la CSRD. C’est un processus exigeant (souvent plusieurs mois), mais incontournable pour identifier :
- les enjeux ESG qui impactent votre performance financière,
- et ceux sur lesquels votre entreprise a un impact significatif.
B – Vos enjeux business
La maturité de votre reporting ESG (qu’il soit conforme ou pas au contenu de la directive CSRD) est loin d’être le paramètre le plus essentiel, ce que vous devez avant tout considérer : ce sont vos enjeux business.
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C – Vos ressources
Enfin, la clé d’un reporting ESG réussi, ce n’est pas “tout mesurer”. C’est :
- des indicateurs bien choisis (utiles, fiables, actionnables),
- des outils adaptés (digitalisation, tableaux de bord),
- et des équipes formées.
Sans ressources suffisantes (humaines, financières, techniques), un reporting trop dense peut vite devenir ingérable.
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Après 18 ans d’expertise dans le conseil et d’audit RSE/ESG, 1 an d’audit auprès des sociétés cotées vague 1 et : nous avons testé la CSRD sur le terrain. Nous savons ce qui fonctionne, ce qui coince, ce qui vous attend vraiment.
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